Selon un nouveau rapport du BIT, au moins 12,3 millions de personnes sont victimes du travail forcé dans le monde

Aujourd'hui, 12,3 millions de personnes au moins sont victimes du travail forcé dans le monde. C'est l'estimation faite par le Bureau international du Travail (BIT) dans un rapport publié aujourd'hui. Le Directeur général Juan Somavia parle du travail forcé comme "d'un fléau social qui n'a pas sa place dans le monde moderne".

Communiqué de presse | 11 mai 2005

GENÈVE (Nouvelles du BIT) - Aujourd'hui, 12,3 millions de personnes au moins sont victimes du travail forcé dans le monde. C'est l'estimation faite par le Bureau international du Travail (BIT) dans un rapport publié aujourd'hui. Le Directeur général Juan Somavia parle du travail forcé comme "d'un fléau social qui n'a pas sa place dans le monde moderne".

Le nouveau rapport intitulé " Une alliance mondiale contre le travail forcé" ( Note 1) révèle que près de 10 millions de personnes (c'est-à-dire une majorité de personnes victimes d'un travail forcé) sont exploitées par un agent privé (en opposition à celui imposé directement par l'Etat). Dans ce chiffre, on compte 2,4 millions de personnes victimes de la traite des êtres humains.

Le rapport donne aussi la première estimation mondiale des gains réalisés avec le travail des femmes, des hommes et des enfants victimes de trafic - le chiffre avancé est de 32 milliards de dollars des Etats-Unis par an. Globalement, cette somme représente une moyenne de quelque 13 000 dollars par an et par victime.

"Le travail forcé est le revers de la mondialisation. Il bafoue les droits et la dignité des êtres humains", dit encore M. Somavia. "Pour parvenir à une mondialisation juste et à un travail décent pour tous, il est impératif d'éradiquer le travail forcé."

Le rapport présente l'analyse la plus complète jamais entreprise par une organisation intergouvernementale des faits et causes sous-jacentes des formes contemporaines du travail forcé. Il a été préparé dans le cadre du suivi de la Déclaration relative aux principes et droits fondamentaux au travail adoptée par l'OIT en 1998 et sera discuté lors de la Conférence internationale du Travail en juin prochain.

Le rapport montre clairement que le travail forcé est un problème mondial auquel sont confrontés tous les pays, toutes les régions du monde et tous les types d'économie. La région où se trouvent le plus grand nombre de travailleurs forcés est l'Asie, avec 9,5 millions de personnes. L'Amérique latine et les Caraïbes en comptent en tout 1,3 million, l'Afrique subsaharienne 660 000, le Moyen-Orient et l'Afrique du Nord ensemble 260 000. Trois cent soixante mille subissent le travail forcé dans les pays industrialisés et 210 000 dans les économies en transition.

L'exploitation économique forcée, dans des secteurs tels que l'agriculture, la construction, les briqueteries et les ateliers clandestins, se répartit à part à peu près égale entre les deux sexes. Cependant, l'exploitation sexuelle commerciale forcée concerne en grande majorité des femmes et des jeunes filles. Globalement, ce sont les enfants âgés de moins de 18 ans qui paient un lourd tribut avec une proportion de 40 à 50 pour cent de l'ensemble des victimes.

Approximativement, un cinquième de tous les travailleurs forcés sont victimes de traite mais la proportion varie d'une région à l'autre. En Asie, Amérique latine, Afrique subsaharienne, la proportion y est de moins de 20 pour cent. En revanche, dans les pays industrialisés et en transition ainsi qu'au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, la proportion y est de 75 pour cent du total.

Les formes anciennes du travail forcé dans les économies en développement connaissent une évolution, même si elles demeurent, et c'est ce que l'on voit principalement dans le secteur informel. La servitude pour dettes touche fréquemment les minorités, y compris les peuples indigènes, qui connaissent depuis longtemps la discrimination sur le marché du travail et les enferme dans un cercle vicieux de pauvreté dont il est difficile de sortir. La plupart des victimes vivent dans des zones éloignées, où l'inspection du travail représente un défi considérable.

Le rapport jette un éclairage nouveau sur les formes émergeantes du travail forcé liées à la migration, en particulier la migration irrégulière dans les pays qu'ils soient riches ou pauvres. Il examine également les conditions du marché du travail qui favorisent le travail forcé. Par exemple, des contrôles inadaptés des agences de recrutement et des systèmes de sous-traitances ou encore la faiblesse de l'inspection du travail.

L'apparence des nouvelles formes de coercition dans l'économie globalisée pose également quelques difficiles questions. Le rapport examine les grandes pressions pour la dérégulation des marchés du travail, partie prenante de la tendance générale à réduire au maximum le coût du travail et ainsi à accroître la compétitivité.

"Le travail forcé est l'antithèse du travail décent, qui est le but global du BIT", a déclaré M. Somavia. "Il est urgent de définir des stratégies efficaces contre le travail forcé. Cela demande d'avoir recours à la fois au renforcement législatif et à des moyens d'attaque contre les racines du travail forcé, comme les systèmes agraires démodés ou les dysfonctionnements du marché du travail."

Le rapport souligne le fait que le travail forcé peut être aboli à condition que les gouvernements et les institutions nationales poursuivent une action politique constante, renforcent les lois et démontrent un engagement réel dans l'éradication de tels traitements infligés à des êtres humains. Une série d'expériences réussies est citée dans des pays qui, avec l'aide de l'OIT, s'attaquent au travail forcé en adoptant une législation et des mécanismes d'application forts, en mettant en place des politiques et des programmes qui s'en prennent aux causes réelles, et en aidant les victimes à recommencer une nouvelle vie.

"Même si les chiffres sont élevés, ils ne le sont pas assez pour rendre l'abolition du travail forcé impossible", dit encore M. Somavia. "Le BIT en appelle à la constitution d'une alliance mondiale impliquant les gouvernements, les organisations d'employeurs et de travailleurs, les agences de développement et les institutions financières internationales concernées par la réduction de la pauvreté ainsi que la société civile et les institutions de recherche et du monde académique. Grâce à la volonté politique et un engagement mondial, nous croyons qu'il est possible de reléguer le travail forcé dans l'histoire ancienne."

Pour plus d'information, merci de contacter le Département de la communication du BIT, communication@ilo.org, Tél.: +4122/799-7912, ou Kevin Cassidy, responsable de la communication du programme de la Déclaration, Tél.: +4122/799-7589, cassidy@ilo.org.


Note 1 - Une alliance mondiale contre le travail forcé, Rapport global en vertu du suivi de la Déclaration de l'OIT relative aux principes et droits fondamentaux au travail 2005. Bureau international du Travail, Genève. ISBN: 92-2-215360-X. Prix: 35 francs suisses.