Les petites exploitations minières en Bolivie
Le jour se lève sur Potosi, la ville minière de Bolivie. Pour les mineurs indépendants comme Pedro, ces premières lueurs de l’aube sont la seule lumière qu’ils verront de la journée, avant de s’enfoncer dans la nuit sans fin des galeries souterraines. Les mêmes galeries où, il y a des siècles, à l’époque des conquistadors espagnols, des esclaves travaillaient dans des conditions atroces pour extraire les tonnes d’argent qui firent le succès de l’Empire espagnol. Aujourd’hui, les mines ne produisent plus autant, mais les conditions de travail n’ont guère évolué.
Ce qui n’a pas changé non plus, c’est la dévotion que les mineurs portent à une divinité aux allures de diable, appelée El Tio, qu’ils considèrent comme le gardien des mines. En descendant dans la galerie, ils font un arrêt rituel devant sa statue pour y déposer des offrandes d’alcool et de cigarettes, tandis qu’ils mastiquent des feuilles de coca pour vaincre leur faim et leur fatigue.
Pedro, mineur
Ici, dans la mine, El Tio, c’est notre ange gardien. Nous croyons tous en lui. Nous lui rendons hommage pour qu’il continue de nous protéger et nous permette de produire encore plus, tout en nous préservant des accidents.
Pedro travaille dans ces mines depuis l’âge de dix ans. Son matériel est obsolète, les explosifs de fortune qu’il utilise ne sont pas très fiables, mais il a appris à se débrouiller. Dans les petites exploitations minières de Bolivie, on enregistre chaque mois trois accidents mortels et quinze accidents graves. En fait, les accidents mortels y sont jusqu’à quatre-vingt-dix fois plus nombreux que dans les mines des pays industrialisés. Comme le souligne un récent rapport du Bureau international du Travail, la poussière, le bruit et le manque de formation exposent les mineurs à de graves risques.
Norman Jennings, Spécialiste de l’extraction minière, BIT
Dans les petites exploitations minières, qui opèrent généralement en dehors de tout cadre réglementaire, nous avons affaire à deux types de risque: d’une part, le risque inhérent à tout travail, comme celui de se blesser, et, d’autre part, le risque lié au contact avec le minerai et aux conditions de travail insalubres et dangereuses.
Après avoir travaillé pendant des années à des températures extrêmes dans des galeries mal ventilées, les mineurs sont souvent malades. Ils ont la silicose, ce noircissement des poumons provoqué par l’inhalation d’air saturé de poussière, qui emporte la vie d’un homme en dix ans. L’hôpital de Potosi est rempli d’anciens mineurs qui ne peuvent vivre sans leur bouteille d’oxygène, comme Marcelino, par exemple, qui sait que le temps lui est compté.
Marcelino, mineur atteint de silicose
Il suffit de travailler trois mois dans la mine pour commencer à souffrir de silicose, le mal des mineurs. Que vous soyez ingénieur ou mineur, c’est la même chose. Personne ne peut y échapper. C’est une maladie qui vous tue lentement, mais sûrement.
Un nouveau jour se lève sur Potosi et les mineurs reprennent le chemin de la mine. Ils espèrent seulement être encore là demain, quand le soleil poindra à nouveau à l’horizon.