Année internationale des Coopératives: Au Kenya, main dans la main avec l’OIT pour créer des coopératives et des emplois

Les coopératives emploient quelque 100 millions de personnes dans le monde. Une grande partie de ces emplois ont trait à la satisfaction des besoins élémentaires de la population, à l’instar des fermes laitières du Kenya. Actuellement, les 13 000 coopératives kényanes comptent environ 9 millions de membres. Alors que les Nations Unies lancent leur Année internationale des Coopératives, voici le reportage d’Anne Holmes sur la prospérité des coopératives et la contribution de l’OIT à leur essor.

Article | 31 octobre 2011

DISTRICT DE MACHAKOS, Kenya (BIT en ligne) – Alors que le soleil de l’après-midi rougeoie derrière les collines qui se découpent à l’horizon, Peter Ndhuli, producteur de lait, arpente ses terres idylliques du district de Machakos, dans l’Est du Kenya; il se dirige vers un gros monticule.

«Celui-là, je l’ai fait l’an dernier. C’est l’un des moyens de lutter contre les aléas climatiques», dit-il en soulevant la bâche pour découvrir le fourrage constitué de sorgho, d’herbe du Soudan et de mélasse.

«Les animaux adorent ça, dit-il en remplissant un seau de poignées de ce compost à l’odeur sucrée. Nous en avons parlé à certains fermiers … et j’espère que cette fois nous allons en faire un gros qui durera 3 ou 4 ans».

Ancien instituteur, M. Ndhuli s’est converti à la production laitière afin de compléter son revenu quand il a pris sa retraite. Il a rejoint la société coopérative des fermiers de Masii, une petite entité ne regroupant que 548 membres et, très vite, il est devenu président du conseil d’administration.

Bien que cette région semi-aride ait été affectée par la sécheresse cette année, les coopératives de la région ont sensibilisé les fermiers à des techniques innovantes comme l’ensilage, le conditionnement du foin et la collecte des eaux de pluie. Lors des précédentes sécheresses, comme celle de 2007, le bétail avait été massivement décimé. Cette année, les animaux ont survécu, mais la production de lait n’atteindra son meilleur niveau qu’avec l’arrivée des pluies en décembre.

A seulement 25 kilomètres en contrebas de la route, se trouve la société coopérative des fermiers Wamunyu. Enregistrée en 1976 comme association de producteurs de coton, l’industrie s’est effondrée du fait de la concurrence étrangère et les membres se sont alors tournés vers l’élevage de vaches laitières en remplacement.

A cette époque, «il n’y avait que six producteurs laitiers et ils produisaient très peu de lait, si peu que la totalité de la production était consommée sur les marchés locaux», explique le gérant Joshua Wambua. La demande dépassait la production, ce qui a incité d’autres fermiers à adopter cette activité, et la coopérative peut aujourd’hui se vanter de réunir 2 023 membres.

Quand leur activité a pris de l’ampleur, les fermiers ont rencontré des problèmes de conservation et de transport et ont observé des pratiques commerciales contre-productives sur le marché. Fidèles à l’esprit du mouvement coopératif, les fermiers de Wamunyu ont approché leur principal concurrent, les fermiers de Masii, dans l’idée de s’associer pour atteindre leurs objectifs communs. Réalisant qu’ils cassaient les prix les uns des autres, ils ont uniformisé leurs tarifs. Au cours de leurs discussions, ils ont découvert un problème commun: l’absence de système de réfrigération adapté; ensemble, ils ont soumis une proposition de projet à l’OIT.

En 2007, l’Organisation internationale du Travail a commencé à attribuer des subventions aux coopératives de huit nations africaines grâce au fonds d’aide COOPAfrica, financé essentiellement par le Département britannique du développement international et par le gouvernement de Finlande; jusqu’à présent, un total de 3,7 millions de dollars de subventions a été alloué. De 2008 à 2010, le Kenya fut l’un des plus gros bénéficiaires, disposant de 1,3 million de dollars pour mener 28 projets au total.

Grâce à ce programme, les fermiers de Wamunyu et de Masii se sont vu attribuer une subvention de 55 000 dollars qui leur a permis d’acquérir deux chambres froides d’une capacité de 3 200 litres chacune, et un générateur électrique de secours.

«Parfois, nous avions beaucoup de lait qu’on ne pouvait pas stocker et il s’abîmait à cause de la chaleur», explique M. Wambua. «Le système de refroidissement a été mis en place en mai 2011, ce qui a permis de réduire considérablement le gaspillage de lait et donc d’accroître nos ventes. Actuellement, nous collectons 1 200 litres de lait par jour en raison de la sécheresse, mais quand la saison des pluies arrivera, ce chiffre pourrait grimper jusqu’à 2 900 litres.»

A quelque 30 kilomètres au nord-ouest de Nairobi, dans le district de Kiambu, la société coopérative des producteurs de lait de Limuru offre un autre exemple de la manière dont des fermiers ont réussi à étendre leur activité grâce aux fonds de soutien de COOPAfrica. Démarrant en 1961 avec 76 membres seulement, elle s’est développée et compte aujourd’hui 9 800 adhérents inscrits.

Aux 31 points de collecte du lait dans le district de Limuru et les quatre districts voisins, les fermiers locaux apportent en moyenne 25 000 litres de lait par jour. La Coop livre aussi sa propre usine de transformation du lait qui distribue du beurre, des yaourts, du beurre clarifié et du lait pasteurisé sur les marchés qui s’étendent tout au long de la route jusqu’à Nairobi. Mais la fluctuation des prix des aliments pour animaux a incité la Coop à demander une subvention du Fonds pour faciliter la création de leur propre usine de production. Ils ont reçu 50 000 $ en 2009, et l’usine de production d’aliments pour animaux « Limda » a débuté son activité en Décembre 2010, conduisant à une augmentation de la production de lait d'environ 20%.

Ces coopératives sont d’excellents exemples des activités financées par le fonds d’aide COOPAfrica de l’OIT. Le Fonds coopératif pour l’Afrique – CoopAfrica – est un programme de coopération technique régionale du Programme des coopératives du BIT, lancé en octobre 2007. Depuis son démarrage, le fonds d’aide COOPAfrica a financé environ 70 projets en Afrique de l’Est et en Afrique australe.

Les coopératives de ce genre sont des exemples concrets du mouvement coopératif mondial qui fournit du travail à plus de 100 millions de personnes aujourd’hui. Tout au long de l’Année internationale des Coopératives, lancée le 31 octobre de cette année, l’OIT va jouer un rôle particulier en mettant en valeur les atouts de la coopérative comme modèle commercial alternatif pour un meilleur développement socioéconomique. Toute une série d’activités et d’événements est planifiée en plus de la mise à disposition d’une documentation stratégique, de matériel de formation et d’information, de directives pour les mandants de l’OIT et les autres acteurs du monde coopératif.

Au niveau local, un élément crucial de cet appui aux coopératives est l’accent mis sur les techniques innovantes, notamment les mesures en faveur de l’égalité hommes-femmes qui invitent les bénéficiaires de subventions à faire participer les femmes – un défi dans certaines zones rurales. En accord avec ces objectifs, l’usine Limda Feeds a créé 15 postes permanents, dont un tiers a été confié à des femmes.

Judith Nthiga, directrice exécutive par intérim de l’Alliance coopérative du Kenya, confirme que le projet a connu une croissance constante depuis plusieurs années, avec 2 000 nouvelles coopératives inscrites ces quatre dernières années, et cela continue. Au Kenya, le développement des coopératives s’est traduit par des créations d’emplois. Aujourd’hui, 63 pour cent des Kenyans tirent leurs moyens de subsistance directement ou indirectement des coopératives. On dénombre environ 13 000 coopératives enregistrées au Kenya avec près de 9 millions de membres.

De retour à la laiterie des fermiers de Wamunyu et de Masii, dans la ville de Kitui, les affaires sont en plein essor. «Quand la production de lait aura atteint son maximum, nous pensons ouvrir un salon de thé ici», songe M. Wambua. «Nous avons aussi un vieux rêve, celui de posséder une usine de transformation du lait». Ce rêve pourrait se réaliser plus tôt que prévu si ses projets d’association avec d’autres coopératives laitières de la région se concrétisent.